Raymond Morel
4928 days ago
Lors d'une discussion récente sur l'éducation à l'Académie française ..... Séance solennelle « Les nouveaux défis de l’éducation » Mardi 1er mars 2011
Ouverture
Les merveilles de la science contemporaine enchantent les chercheurs, séduisent ou parfois
inquiètent nos sociétés et leur jeunesse, interrogent la conscience morale, bouleversent nos
vies par leurs applications. Ce constat, banal, bouscule la transmission de cette science au sein
des institutions scolaires dans le monde entier. Evaluations nationales ou internationales,
incertitude des professeurs, insatisfaction de bien des élèves, tout exprime la nécessité de
changements profonds dans la transmission de l'héritage scientifique à nos élèves. Sans ces
changements que je vais évoquer, la société de la connaissance et de l’innovation en Europe
n’aura été qu’un beau rêve.
Nous sentons déjà que les échéances prochaines placent l’éducation parmi les questions
brûlantes posées à notre pays. Georges Charpak, qui nous a quittés en septembre dernier,
l’avait pressenti et l’Académie des sciences vient de rappeler la vie hors du commun de cet
immigrant, enfant accueilli par l’école française. Elle lui rend en Grande Salle des Séances un
solennel hommage, en présence de tant de femmes et d’hommes, des plus modestes aux plus
grands, qu’il inspira. La fécondité de ses intuitions, sa ténacité assortie d’un humour radical
pour bousculer, séduire, convaincre, son sens de l’urgence éducative et sa rébellion devant les
inégalités ont anticipé, en France et au-delà, le grand changement qui se dessine dans
l'enseignement des sciences. L’Académie des sciences veut poursuivre son oeuvre, en France
et de par le monde.
***
L'échec de l'élitisme républicain. Car les déterminations sociales sont devenues
redoutables : le niveau d’études de la mère, les échanges langagiers ou les compétences
numériques avant l’âge de trois ans, les performances scolaires en fin de cours élémentaire
prédisent presque infailliblement le devenir scolaire d'un jeune en fin de collège. 40 % des
élèves entrant en classe de 6e ne maîtrisent ni les notions de base des mathématiques, ni celles
des sciences de la nature. Quelle égalité des chances pour ces enfants souvent sans aisance
langagière, écartés d’une compréhension raisonnée du monde, à la curiosité demeurant en
jachère, à l’avenir déjà fermé ? Ces enfants que beaucoup de familles, aux prises avec les
difficultés de l’ignorance, du sous-emploi ou de l’immigration, ne peuvent accompagner dans
leurs études au collège, ces enfants dont beaucoup seront "orientés" sans choisir leur avenir,
ou sans obtenir aucun diplôme (18 % d'une classe d'âge) ? Aussi, lorsque les enquêtes PISA
de l’OCDE interrogent les jeunes de 15 ans, elles confirment ce que disent nos évaluations
nationales, ce déni de justice que vous avez voulu, Monsieur le ministre, reconnaître
publiquement avec courage. Pour un tiers d'une classe d'âge, l'école est demeurée quasi vaine.
La débuter à l’âge de deux ans pourrait aider certaines familles, mais comment croire que cela
suffira si rien de ce qui suit n’est changé ?
Sans doute un autre gros tiers de ces élèves tire le meilleur de ses études en collège et ira vers
l’enseignement supérieur. À bon compte, ceux-là nous rassurent sur l’existence d’une élite