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Le 9 janvier 2007, Steve Jobs présentait le premier iPhone. Dix ans plus tard, Apple revendique 12% du marché des smartphones et demeure une formidable machine à générer du cash. Mais les différences avec les concurrents s’estompent

Les fanatiques d’Apple célébreront cette date avec ferveur. Mais les allergiques à la marque à la pomme auraient tort d’y être indifférents. Ce lundi marquera les dix ans de l’annonce du premier iPhone. Le 9 janvier 2007, Steve Jobs présentait à San Francisco le premier téléphone d’Apple. Mis en vente six mois plus tard aux Etats-Unis, le 27 juin 2007, ce téléphone bouleversera en quelques mois l’industrie des télécoms. Mais aussi, sans exagérer, la vie de centaines de millions de Terriens. Dix ans plus tard, 2017 marquera d’ailleurs une nouvelle étape: pour la première fois, selon une étude publiée jeudi par la société de recherche eMarketer, il y aura davantage d’utilisateurs de smartphones – 2,3 milliards – que de téléphones simples.

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Apple a contribué à cet essor. Mais Steve Jobs n’a pas tout inventé, loin de là. L’écran tactile avait été créé par une agence du gouvernement britannique, puis développée par le CERN de Genève. L’économiste Mariana Mazzucato a listé douze technologies clé de l’iPhone. Et toutes ont été inventées par des agences gouvernementales, américaines pour la plupart. Mais sous l’impulsion de Steve Jobs, Apple a rassemblé ces technologies pour créer un téléphone qui a rapidement relégué les appareils de Palm et de Nokia, tout juste capable d’échanger des emails, au musée de la technologie.

«Projet pourpre»

Mais rien n’a été facile pour Apple. De retour aux commandes de la société en 1997, Steve Jobs lance l’iPod en 2001 et songe l’année suivante déjà à un téléphone. Le travail concret ne démarre qu’en 2004, avec un millier d’employés dédiés, dans le plus grand secret, au «Projet pourpre». Les premiers tests sont effectués sur une tablette. Fin 2006, Steve Jobs est effondré: malgré 150 millions de dollars investis, le prototype est truffé de bugs. Mais sa démo, le 9 janvier 2007, sera une réussite.

L’iPhone de 2007 secoue le marché. Mais il lui manque encore de nombreuses fonctions qui apparaîtront les années suivantes, parfois d’abord chez ses concurrents: pas de magasin d’application (il faudra attendre un an), pas d’accès à la 3G, pas de fonction copier-coller, impossible d’envoyer une photo par SMS, pas de GPS… Ce qui n’empêchera pas Apple d’écouler au total 6 millions de son premier iPhone.

«Un leader plus créatif»

Dix ans plus tard, Apple n’est pas le roi: il revendique 12,5% du marché mondial des smartphones, loin derrière les 21% de Samsung. Et surtout, il a en face de lui Google, dont le système Android équipe 80% des smartphones. «Désormais, Apple n’est plus le leader en termes d’innovations, comme c’était le cas entre 2007 et 2010. L’iPhone ressemble beaucoup aux autres téléphones. Par exemple, l’iPhone 7 est devenu résistant à l’eau via la certification IP67, mais le Galaxy S7 de Samsung, lancé plusieurs mois auparavant, affichait déjà une certification supérieure IP68», explique Neil Mawston, directeur de la société de recherche Strategy Analytics.

Est-ce à dire que Tim Cook, aux commandes d’Apple depuis août 2011, n’est pas assez innovant? «Succéder à Steve Jobs est forcément difficile, poursuit Neil Mawston. Tim Cook a pour l’heure fait du très bon travail, Apple demeurant de très loin la société technologique la plus profitable. Mais il faudrait que la société engage dans sa direction un leader plus créatif, car Apple a arrêté d’inventer des produits qui produisent un «effet wow!»».

237 milliards de cash

Apple est en effet une machine à cash. Les ventes d’iPhone ont beau baisser, la société a réalisé un bénéfice net de 9 milliards lors de son dernier trimestre, pour des réserves de cash culminant désormais à 237 milliards de dollars. Mais la société est devenue dépendante de son téléphone, qui lui offre 56,7% de son chiffre d’affaires. Et comment innover? «Cette année, les smartphones vont simplement devenir plus fins, plus rapides. Il y aura certaines améliorations comme la possibilité d’accéder à son PC à distance et des robots dotés d’une meilleure intelligence artificielle», estime le directeur de Strategy Analytics. Pour lui, il faudra attendre 2018 pour voir des smartphones pliables venir sur le marché. Et la technologie 5G, permettant un accès ultra rapide à Internet, ainsi que les écrans pouvant s’enrouler, ne sont pas attendus avant 2020.

En attendant, le temps passe de plus en plus vite pour les smartphones lancés ces dernières années. L’iPhone 4, soit le dernier smartphone lancé du vivant de Steve Jobs, est officiellement considéré comme obsolète depuis le 31 octobre 2016. La société n’assure plus de réparations – il faut donc se tourner vers des sociétés tierces en cas de problème.

La Suisse, exception mondiale

La Suisse demeure un eldorado pour Apple, du moins pour l’iPhone. La part de marché de ce téléphone y avoisinerait toujours les 50%, contre 12% au niveau mondial. Comment expliquer cette exception? «Les Suisses changent rarement de système d’exploitation, encore moins lorsqu’il s’agit de téléphones, estime Jean-Claude Frick, analyste télécom chez Comparis. SI vous avez payé pour des applications, de la musique ou des films sur une plateforme, vous ne voudrez pas les racheter sur une autre plateforme». De plus, explique l’analyste, Apple a toujours eu en Suisse une part de marché plus élevée pour les ordinateurs. «Lorsque vous achetez un iPhone, ce n’est pas qu’un smartphone, c’est un ticket pour un écosystème qui a des applications, des services en ligne, de la musique…», poursuit le spécialiste de Comparis.

Si Android est si fort au niveau mondial, c’est parce que de nombreux fabricants proposent des modèles à moins de 100 dollars pièce. «Ce marché bas de gamme n’est pas important en Suisse. Partout où le prix n’est pas un critère déterminant, Apple a une part de marché plus importante», poursuit Jean-Claude Frick.

Samsung, seul concurrent

Selon le spécialiste, il ne faut pas s’attendre à voir la part de marché de l’iPhone baisser en Suisse. «Surtout si Apple apportera une importante mise à jour de son téléphone cette année. Samsung est le seul vrai concurrent avec ses modèles Galaxy haut de gamme. Et Google n’est pas capable de vendre directement en Suisse ses modèles Pixel».