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Plongée en 3D dans la Genève de 1850

Le relief Magnin, maquette de Genève au XIXe siècle, vient d’être numérisé. L’occasion de se promener dans la ville encore fortifiée et de lancer plusieurs autres projets

D’aucuns se plaignaient que la Maison Tavel et son trésor, le relief Magnin, maquette pointilleuse de Genève en 1850, était quelque peu boudée par les visiteurs. Ceux-ci devraient de nouveau affluer car le colossal ouvrage (7,25 m sur 5,25) de l’architecte suisse vient de s’offrir un lifting numérique qui pourrait donner envie aux jeunes générations, entre autres, de se rendre au 6, rue du Puits-Saint-Pierre, en Vieille-Ville.

«On nous invite à une promenade immersive en forme de Google Street View dans le XIXe siècle qui permettra d’explorer la Genève d’avant la révolution fazyste», se réjouit Sami Kanaan, le conseiller administratif genevois chargé de la Culture. Qui enchaîne: «L’idée est de populariser la période si importante avec la fin des fortifications, l’ouverture au monde. Les historiens, les scientifiques, les archéologues, les artistes et le public en général ont là un instrument pratique, didactique et ludique, facile d’accès.»

Epopée au long cours

Le site www.geneve1850.ch est accessible depuis ce mardi 3 octobre aux internautes, ceci gratuitement et sans téléchargement d’un logiciel spécifique. La balade peut donc commencer. On doit à l’association Genève 1850 avec le soutien de nombreux mécènes et les compétences des services cantonaux et de la ville cette prouesse numérique, sorte d’épopée au long cours appelée Projet relief Magnin (PRAM).

Le relief Magnin, qui montre la ville encore enserrée dans trois rangs de fortifications, a été réalisé par une équipe d’orfèvres et achevé en 1896 après dix-huit années d’études et de travaux. En 2011, des ingénieurs et des historiens qui procédaient à sa sauvegarde numérique ont découvert qu’il avait été réalisé avec une précision géométrique inattendue pour l’époque. D’où le projet de s’en servir pour créer un modèle 3D de Genève en 1850 calé sur le cadastre officiel, avec les textures, la végétation et les paysages d’autrefois. «Pour ne pas endommager le relief, nous avons installé un portique au-dessus de la ville miniature, d’où les ingénieurs ont pu piloter un scanner et un appareil photographique, 120 millions de points ont été référencés dans l’espace, 1280 images de très haute résolution ont été délivrées», résume Thierry Sangouard, pilote technique du projet et directeur de Spatial SA.

40 000 fenêtres

En s’aidant de programmes spécialement développés, les ingénieurs ont défini toutes les arêtes et tous les angles des trois fortifications et des 2000 bâtiments avec leurs 40 000 fenêtres et leurs 8000 lucarnes (les cheminées, escaliers, fontaines apparaissent aussi). Les variétés d’arbres et la végétation ont été choisies avec l’aide des botanistes des Conservatoire et jardin botaniques de la ville de Genève. Les gravures et tableaux d’époque ont été aussi des sources d’information. Le résultat est étonnant, une ville en Google Street View en effet, avec 1333 chemins répertoriés. Avec de plus une vue plongeante sur la ville et ses environs. La lumière choisie pour éclairer la ville est celle du mois de juin, à 10h du matin. Où l’on s’aperçoit que Genève était bien différente, sans les Pâquis et avec ses bords du lac inhabités. Pas de place de Neuve mais une porte Neuve qui ouvre sur les murailles.

Coquille vide

La maquette virtuelle, cependant, est une coquille vide: pas de vie, pas de personnages, pas de scènes de rue. «Il y avait évidemment du monde en ville qui, par ailleurs, n’était sans doute pas aussi propre que l’impression donnée. Il faut donc greffer dessus des projets», précise Sami Kanaan. Notamment une sorte de Wikipédia en 3D sur Genève pour accrocher dans le décor de la ville une nuée d’informations liées à l’histoire des lieux. Un pas a déjà été franchi avec des fiches explicatives sur les bâtiments et les ouvrages d’art présentes sous forme de pastilles dans les rues de Genève.

La Fondation Artanim, partenaire de la ville de Genève, propose une immersion avec un casque de réalité virtuelle. «Les utilisateurs peuvent se déplacer librement, voir leur propre corps, interagir avec des objets physiques, vivre des scènes de vie d’époque, voir des calèches», commente Caecilia Charbonnier, la directrice de cette fondation.

Eviter de reproduire des erreurs

La Faculté des sciences de la société de l’Unige est aussi impliquée avec le support de son installation multimédia PoliScope, qui produit notamment des jeux pédagogiques. L’un d’entre eux, appelé Destins croisés des migrants d’hier, utilise une version stylisée des données numériques du relief Magnin comme décor. «On apprend ainsi que les ancêtres des travailleurs frontaliers venus de la vallée du Giffre, près de Samoëns, se retrouvaient porte de Rive, visible sur le relief 3D car il y avait des logements pour les ouvriers chargés de la destruction des fortifications», relève l’universitaire Adrien Remund. Les professeurs d’histoire pourront emmener leurs élèves naviguer dans cette maquette virtuelle. «Le numérique évoque l’avenir mais il nous parle aussi du passé. Le regarder c’est aussi éviter de reproduire ses erreurs», souligne le conseiller d’Etat Antonio Hodgers.

Ce travail était aussi l’occasion de se (re)pencher sur Auguste Magnin, maquettiste né à Genève en 1841, mort en 1903. Ce fils de commerçant, auteur du relief de Genève en 1850 a fait l’école des Beaux-Arts à Paris avant de consacrer une partie de sa vie à sa maquette. Un bijoutier, des mécaniciens de précision, un menuisier l’ont épaulé pour réaliser ce chef-d’œuvre d’orfèvrerie. Il a fait des recherches dans le cadastre et les archives et a inventé le système utilisant trois échelles différentes. Il a aussi modélisé le château de Chillon (maquette disparue), l’église anglaise de Genève et le Palais du Trocadéro de Paris.

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Alpha Version - Genève 1850 video360°

gE Story -geneve 1850 10 Oct 2017
Version alpha en 4K 25fps, encore quelques bug de rendu à corriger en 8K 60fps.
  Plongée en 3D dans la Genève de 1850 http://www.dofaq.com/ch/geneve-1850

 

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TdG-21102017  -1850 - Promenade dans les rues du relief Magnin

Notre histoire   Des raretés sont visibles seulement sur le relief numérisé. Suivez le guide! Par Benjamin Chaix  

 

 

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Une petite promenade de clic en clic s’impose, à quelques semaines de l’ouverture à l’internaute du relief Magnin numérisé (voir «Tribune de Genève» des 30 septembre et 3 octobre). Départ de n’importe quel point du relief. On avance ou recule en cliquant sur les dessins de pieds nus apparaissant sur le site www.geneve1850.ch.

Prenons la rue de la Corraterie. Derrière ses maisons, alors au grand complet, il y avait des casernes placées entre deux bastions. Celui de Hollande, qui avait les pieds dans le Rhône, et le bastion Souverain, à l’emplacement duquel sera construit le Grand Théâtre.

Si le chantier de rénovation de notre opéra prend l’eau, on comprend pourquoi. Le futur quartier des banques était un vaste marécage. L’eau venait jusque devant la porte Neuve et même plus loin.

Les cages des aigles

Une fois les ponts franchis devant la porte Neuve, la route prend la direction de la future rue du Conseil-Général, passant devant le bastion d’Yvoy. Celui-ci est relié au bastion Bourgeois par le Jardin botanique, reconnaissable à son orangerie que les statues des réformateurs viendront remplacer en 1917.

Plus loin, le bastion du Pin est devenu la promenade du Pin. De là, un pont en fil de fer permettait d’arriver sur le plateau des Tranchées. On ne résiste pas à la tentation de l’emprunter sur le relief numérisé. Nous y sommes! Ce monument, comme quelques autres sur www.geneve1850.ch, bénéficie d’un lien documenté. On y apprend que le général Dufour est à l’origine de cette passerelle. Un gracieux bouleau surgit des hautes herbes. Après un petit portique, on marche sur des planches suspendues à des câbles. On se croirait sur le vieux pont de la Caille, qui est son petit-cousin savoyard.

Plus loin, dans la direction du lac, deux autres bastions protégeaient la ville: le bastion Saint-Antoine, sur lequel on a vu longtemps l’observatoire, et le bastion de Hesse, à Rive, dont il ne reste plus rien. Ce dernier occupait à peu près l’emplacement de l’ancien Collège de Candolle et ses environs. On avait construit dessus une prison modèle que les spécialistes venaient visiter. Elle avait pour dépendance la tour Maîtresse. Allons voir comment elle est sur le relief… Nouvelle fiche d’information et petit tour aux abords verdoyants de cet établissement pénitentiaire très en avance sur son temps.

De là, la souris de l’ordinateur me fait bifurquer en direction des quais, en passant par une rue obscure – la rue des Boucheries – très rebutante en 1850. Une fausse manœuvre et me voilà coincé au fond d’une ruelle. La promenade virtuelle réserve ce genre de surprise: des volte-face non désirées, une curiosité mal placée qui vous mène dans une impasse. Tiens, de grandes cages sont posées là? On y tenait enfermés des aigles, symboles vivants de Genève.

Un conte de fées

Voici Longemalle et sa halle bien bâtie, qui n’existe plus aujourd’hui. L’entrée de la rue du Rhône respire le neuf. Les bâtiments du quai sont encore modernes en 1850. Celui où Chanel est installé s’appelait l’Hôtel de la Couronne. A la hauteur de la tour du Molard, on passe sous la vieille bâtisse qui fermait la place côté lac. Les petites baraques en bois le long de la rue du Marché s’appelaient les hauts bancs. C’étaient des échoppes. Dommage, les dômes qui avançaient devant les maisons avaient déjà disparu en 1850. Après une fausse manœuvre qui m’a transporté dans les jardins des hôtels particuliers de la rue des Chanoines (future rue Jean-Calvin) – où je ne serais jamais allé sans cela – me voici redescendu en bas de la rue du Perron, aux maisons plus nombreuses et plus hautes qu’en 2017: un vrai coupe-gorge.

En 1850, elle laissait déjà le grimpeur essoufflé devant la cathédrale Saint-Pierre. Du haut de ses tours, l’internaute voit verdir la campagne et poudroyer les chemins comme dans un conte de fées.

(TDG)

Créé: 20.10.2017, 16h56

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