Les nouvelles technologies : révolution culturelle et cognitive de Michel Serres

« Les nouvelles technologies nous ont condamnés

à devenir intelligents ! »

C'est ce que postule Michel  Serres

Visionner la vidéo - Durée : 1 h 04 min.

Le 11 décembre 2007, à l'occasion des 40 ans de l'Inria, Michel Serres a donné une conférence sur la révolution culturelle et cognitive engendrée par les nouvelles technologies. Le célèbre académicien y explicite comment la révolution informatique change notre rapport au monde. Tout comme avant elle, l'écriture, puis l'imprimerie, ont profondément transformé nos modes de vie. Une conséquence inévitable de toute révolution.

Le philosophe donne rapidement le ton et invite son auditoire à prendre conscience de la révolution cognitive générée par la révolution de l'information. Pour lui, les nouvelles technologies ont poussé l'Homme à externaliser sa mémoire. Il nous faudra donc être inventifs, intelligents, transparents pour être des acteurs de cette nouvelle période de l'Histoire.

=============> pour visionner cette conférence

https://www.youtube.com/watch?time_continue=19&v=ZCBB0QEmT5g

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Sciences du numérique et impact sur la société

Quelques références pour réfléchir aux enjeux des sciences et technologies de l'information et de la communication pour notre société.

Sciences des données

Stéphane Mallat (janvier 2018)

imageLeçon inaugurale de la Chaire « Sciences des données » animée par Stéphane Mallat au Collège de France le 11 janvier 2018.

Accéder à la leçon inaugurale (disponible en vidéo ou en audio).

Intelligence artificielle, masse de données ou données massives ou megadonnées (big data) ou encore apprentissage profond (deep learning) : il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver dans l’ensemble de ces termes très présents dans les médias en raison notamment de résultats exceptionnels en reconnaissance d’images et traduction automatique.

Pour Stéphane Mallat, titulaire de la chaire « Sciences des Données » nouvellement créée au Collège de France, ces résultats récents ont été obtenus grâce à l’augmentation à la fois du volume des données disponibles, des moyens de calcul et des performances des algorithmes d’analyse de données. Malgré tout, la compréhension de ces algorithmes reste peu avancée actuellement. L’objectif de son cours est ainsi d’expliquer les phénomènes sous-jacents modélisés par ces algorithmes en utilisant les mathématiques.

Dans sa leçon inaugurale, il définit son domaine comme la capacité d’extraire de la connaissance dans les données. Les sciences des données se situent à la croisée de plusieurs disciplines : mathématiques (statistiques, probabilités, analyse harmonique, calcul différentiel, géométrie différentielle) et informatique (intelligence artificielle, bases de données, etc.) mais aussi toutes les sciences dont sont issues les données (physique, chimie, biologie… ).

La présentation se concentre sur l’apprentissage en grande dimension et met en avant un problème difficile, celui de la généralisation. Comment prédire la réponse à des données nouvelles à partir d’observations de réponses sur des données similaires ? Pour ce faire, il est primordial de se baser sur un a priori de régularité de la prédiction vis-à-vis des données.

Une difficulté majeure est de gérer un grand nombre de dimensions, une simple image peut par exemple contenir un million de pixels qui représentent autant de données d’entrées. Les techniques classiques ne permettent pas de généraliser simplement car aucun exemple n’est alors proche d’un autre. Le titre de la première année du cours est d’ailleurs : « l’apprentissage face à la malédiction de la grande dimension ». Dans ces conditions, il est nécessaire de recourir à une nouvelle représentation des données d’entrée pour déterminer des paramètres discriminants qui permettent de les séparer. Pour trouver cette nouvelle représentation, on peut soit apporter de l’information a priori (issue de connaissances spécifiques au domaine d’application visé), ou bien apprendre directement cette représentation des données. C’est là tout le succès des réseaux de neurones profonds, à propos desquels Stéphane Mallat explique que l’information a priori est en réalité contenue dans leur architecture multi-échelle bien adaptée aux problèmes complexes.

Stéphane Mallat aborde également les questions sociétales posées par ces nouveaux algorithmes extrêmement efficaces mais encore mal compris. Les bénéfices sont importants mais les impacts sur la vie privée, l’organisation du travail et la vie publique le sont tout autant. Il est alors important que ce domaine soit expliqué et compris également en dehors de la communauté scientifique.

Thibault Faney (Ingénieur de recherche à l’IFP Energies nouvelles)

Terra Data. Qu’allons-nous faire des données numériques ?

Serge Abiteboul, Valérie Peugeot (Éditions Le Pommier, collection Le Collège, 2017)

imageParfois présenté comme le livre d’accompagnement de l’exposition « Terra Data » qui se tient du 4 avril 2017 au 7 janvier 2018 à la Cité des Sciences à Paris, l’ouvrage « Terra Data. Qu’allons-nous faire de nos données ? » se lit très agréablement, même sans avoir vu l’expo !

Dès l’introduction, le ton est donné : « C’est une évidence, ces données qui s’accumulent chaque jour plus encore ne sont ni angéliques, ni diaboliques. » Évitant angélisme béat et pessimisme noir, des pistes sont données pour montrer où cette accumulation de données peut mener. Le livre commence par délimiter le sujet : que sont ces fameuses données, mais aussi d’où proviennent-elles, comment sont-elles représentées numériquement et stockées ? Leurs usages et traitements sont également développés, depuis la conservation et la simple interrogation jusqu’à la transmission et l’échange, avec un aperçu des évolutions dans ce domaine. Le traitement des données fait l’objet d’un chapitre spécifique, depuis les « simples » statistiques jusqu’à l’apprentissage automatique.

Une fois le sujet cerné, les auteurs montrent comment cette approche nouvelle des données massives influence divers domaines assez sensibles :
– comment les scientifiques peuvent tirer parti des possibilités offertes par la simulation numérique et par les masses de données, par exemple pour disposer de documents fragiles et distants ;
– comment dans le domaine de la santé, de plus en plus de données sont produites et utilisées pour améliorer les soins et la prévention, mais aussi comment les questions d’éthique, entre autres sujets sensibles, se posent de manière cruciale ;
– comment le monde économique est en émoi devant les perspectives offertes par le marché des données ;
– comment la démocratie peut tout aussi bien bénéficier des données massives grâce à une information toujours plus actualisée et accessible, qu’en pâtir, comme l’illustrent les « fake news ».

La dernière partie révèle quant à elle des aspects plus techniques — tout en restant très accessible — qui sont autant de réponses aux interrogations et inquiétudes soulevées par les chapitres précédents. Tout d’abord, on sait caractériser précisément, de façon bien spécifiée, un traitement des données satisfaisant : les notions de neutralité, loyauté, diversité, équité et transparence sont définies avec assez de précision pour qu’on puisse demander à un algorithme de traitement des données de s’y conformer. En particulier, ces notions ont fait leur entrée sur le terrain juridique, comme le montre « Terra Data » en quatre dates bien choisies. Des solutions qui relèvent plus directement de la mise en œuvre sont également présentées : elles vont du chiffrement et de l’anonymisation des données elles-mêmes à l’ouverture des codes de traitement, ce qui a pour conséquence la transparence. La dernière solution technique évoquée concerne la réappropriation des données personnelles par leurs propriétaires, via les systèmes de gestion des informations personnelles (ou « PIMS » pour Personal Information Management System), avec un retour à un modèle économique traditionnel (le client paie pour un service, à savoir la gestion de ses données) et de sérieux avantages.

L’ouvrage se poursuit avec une brève évocation des relations apparemment antagonistes entre le « big data » et l’écologie : bien sûr, la moindre requête sur un moteur de recherche a un coût énergétique et l’accumulation de ces requêtes constitue une portion non négligeable de la consommation mondiale d’électricité. Pourtant, des solutions existent pour rendre l’usage des données massives moins gourmandes en énergie. Qui plus est, les données peuvent être utilisées pour réduire des consommations d’énergie ou des gaspillages en permettant une meilleure coordination, plus locale, des différents acteurs.

Enfin, cette lecture s’achève sur une note plus philosophique : avec les données massives, nous externalisons notre mémoire. Quels sont les enjeux et les difficultés que pose cette tendance ? Le tout est émaillé de nombreux exemples pour illustrer le sujet et le rendre concret. Les lecteurs avertis apprendront peu des aspects techniques, mais probablement beaucoup dans les exemples. Les moins avertis termineront leur lecture avec une vision éclairée, certes incomplète mais panoramique, et surtout pas anxiogène : au contraire, cette lecture pousse à l’action plutôt qu’à la résignation. Une lecture hautement recommandable, sans prise de tête, qui se veut un aiguillon pour se poser des questions et pour (ré-)agir !

Nathalie Revol

« Le robot, meilleur ami de l’homme ? »

Rodolphe Gélin (Éditions Le Pommier, collection Les plus grandes Petites Pommes du savoir, 2015)

robot-meilleur-ami

Un livre sympathique et instructif, à croquer avec plaisir ! L’auteur s’appuie sur sa vie, ses recherches au CEA, les projets de développement de la start-up à laquelle il appartient, pour nous dresser une vision très complète de la robotique.  Il aborde plus spécifiquement la robotique humanoïde au service de l’Homme, en particulier des personnes âgées. Il écrit de manière très vivante, dans une langue directe et imagée et prend des exemples simples mais très parlants, faisant référence à des rencontres marquantes et des moments de sa vie personnelle. Ce livre réussit à être passionnant et limpide tout en brossant un tableau complet du domaine. L’auteur prend le lecteur par la main, le mettant progressivement face aux problèmes très pratiques à résoudre lorsque l’on veut construire un robot : problèmes de conception mécanique, de déplacement, de perception, de communication, de raisonnement, de décision… problèmes concrets, souvent difficiles, auxquels il faut trouver des solutions efficaces, simples et peu coûteuses. Mécanique, physique, informatique, intelligence artificielle, neurosciences sont au programme… mais aussi psychologie et sociologie, puisque le robot humanoïde doit non seulement être fonctionnel, mais aussi et surtout être accepté par ses utilisateurs comme un vrai compagnon. C’est passionnant, même quand on baigne dans le domaine. L’auteur transmet son enthousiasme de scientifique et d’ingénieur, la dimension humaine et sociétale de son projet, la richesse de ce domaine, les défis à venir. Le glossaire et les références, peu nombreuses mais pertinentes, donnent des pistes pour ceux qui envisagent de creuser le sujet de ce petit livre. Parions aussi qu’il suscitera des vocations !

Marie-Odile Cordier

Petite Poucette

Michel Serres (Éditions Le Pommier, collection Manifestes, mars 2012)

Petite Poucette

Le monde change. Dans le passé, deux inventions ont profondément modifié la culture et la transmission du savoir : l’écriture, puis l’imprimerie. Nous sommes « enfants du livre et petits-enfants de l’écriture », nous dit Michel Serres. Aujourd’hui, une nouvelle invention a de profondes répercussions sur l’enseignement et sur la société mondiale : la Toile, ou plus généralement l’informatique, le numérique, révolutionnent les savoirs et les liens sociaux. Les jeunes, comme Petite Poucette, manipulent avec dextérité les tablettes et téléphones portables, avec les deux pouces. Petite Poucette n’a plus besoin d’une tête bien pleine, ni même d’une tête bien faite comme le souhaitait Montaigne, puisque le savoir est disponible, distribué sur la Toile, accessible avec les moteurs de recherche. Sa tête est ainsi libérée pour laisser libre cours à l’intuition, à l’imagination. Petite Poucette invente le monde numérique.

La pédagogie doit s’adapter à cette révolution. À l’école ou à l’université, Petite Poucette s’ennuie et bavarde. Elle refuse la transmission classique du maître vers l’élève silencieux et préfère la navigation sur le Net. Michel Serres évoque-t-il ainsi sans les nommer les MOOC, ces cours en ligne ouverts à tous ? ou encore la science participative et le crowdsourcing ? Certes, il limite les enjeux de l’éducation à la simple transmission de connaissances, en occultant la transmission du savoir-faire. Il ignore aussi les limites des moteurs de recherche. Michel Serres imagine que Petite Poucette inventera un nouveau format support pour remplacer les pages. Les « tutos » et autres manuels sous forme de courtes vidéos semblent lui donner raison. Michel Serres va encore plus loin en prédisant que le classement des savoirs en disciplines cloisonnées ne résistera pas aux usages informatiques. D’après lui, le désordre stimule la créativité.

La société tout entière doit s’adapter aux changements induits par le numérique. Un bruit de fond émane des réseaux sociaux, des blogs, des usages informatiques, et met en question la présomption d’incompétence ou les structures pyramidales. Michel Serres voit émerger de nouvelles compétences, qui inventent les relations sociales de demain. Ces compétences s’appuient sur une pensée algorithmique, qui définit concrètement des manières de procéder et d’enchaîner des actions. Cette vision de Michel Serres est résolument optimiste et ignore volontairement le côté obscur du Net. Par exemple, le consumérisme, le marketing agressif, la fracture numérique, l’exploitation des données personnelles. Ou pire, les nébuleuses terroristes, la pédophilie, les trafics illicites. Michel Serres n’aborde pas plus les difficultés techniques, telles que la garantie de neutralité du Net, la protection des données, les attaques de logiciels malveillants.

Avec une fausse naïveté, un enthousiasme communicatif et un brin de provocation, Michel Serres explore donc les possibilités infinies de l’ère numérique et prédit l’avènement d’un monde différent. Il se prend à rêver d’un passeport numérique, contenant les données individuelles, qui garantisse à la fois l’anonymat et l’individualité, à la fois le libre accès à ses données et leur protection. Ce passeport aurait un nom de code, tel que Petite Poucette.

Jocelyne Erhel

Culturomics, le numérique et la culture

Jean-Paul Delahaye, Nicolas Gauvrit (Éditions Odile Jacob, collection Sciences, mars 2013)

Culturomics

Durant la décennie 2000-2010, l’information disponible sur notre planète est devenue majoritairement stockée sous forme numérique. L’apparition de très grandes bases de données, notamment celles offrant l’accès à de gigantesques corpus de textes, et la mise à disposition d’outils logiciels facilitant leur exploitation statistique, a donné naissance à un nouveau domaine de recherche, la culturomique.

Une base de plus de cinq millions d’ouvrages a ainsi été constituée à l’université Harvard, à partir des douze millions de livres numérisés par la firme Google. Un outil, utilisable par tout un chacun, permet d’analyser la fréquence d’usage de mots ou d’expressions dans ce corpus pour chaque année comprise entre 1800 et 2008. Les résultats ainsi obtenus vont être le principal fil conducteur des réflexions auxquelles nous invitent les auteurs.

Les Beatles furent-ils aussi populaires que le Christ ? Sommes-nous plutôt fromage ou dessert ? Comment mesurer la notoriété d’un chercheur ? Les nombres commençant par un 1 apparaissent-ils plus fréquemment que ceux commençant par un 2 ou un 9 ? Telles sont quelques-unes des interrogations analysées dans cet ouvrage où les auteurs nous alertent régulièrement sur les biais possibles de telles analyses et nous délivrent des clés permettant de les appréhender avec discernement.

Une lecture passionnante donc, et une irrésistible envie de se précipiter vers ces nouveaux outils pour conduire ses propres expériences.

Les auteurs rencontrent le public au Musée des arts et métiers le 2 mai 2013, dans le cycle Paroles d’auteurs, voir la vidéo.
Ils participent également à la rencontre organisée par l’AFIS IDF, Des intuitions trompeuses en statistiques à la Culturomique, le 25 juin 2013 à AgroParisTech.

Éric Sopena

La révolution Internet

Textes et documents pour la classe (15 octobre 2012)

Couverture du numéro de TDC La révolution Internet

La « révolution Internet » peut s’analyser de multiples points de vue : scientifiques et techniques bien sûr, mais aussi suivant des angles historiques, juridiques, sociétaux, éducatifs, voire artistiques. Et ce numéro de la revue Textes et documents pour la classe (TDC) réussit à les exposer tous, sans simplifications abusives, ni clichés. Ses sept articles, complétés par les huit « Études de documents », s’adressent certes au monde de l’éducation, étudiants et enseignants, mais ils constituent une lecture de choix pour toute personne attachée à comprendre ce réseau des réseaux et ses impacts. Des protocoles de transmission de données et de la théorie des graphes au Net art et aux « jeux sérieux » : un grand écart thématique parfaitement maîtrisé.

François Rechenmann

La République des Réseaux

Jean Rognetta, Julie Jammot, Frédéric Tardy (Fayard 2012)

Couverture du livre La République des réseaux

La République des Réseaux analyse les « Périls et promesses de la révolution numérique ». Les auteurs y défendent la « nécessité d’embrasser l’avenir contre une vague montante d’intellectuels qui dénoncent les périls du numérique ». À partir de leur analyse, ils osent formuler des solutions. À travers un travail documentaire très fouillé, ils montrent comment le numérique forme l’une des causes majeures des crises que nous vivons. Mais aussi comment il apporte la solution et constitue même la seule issue possible à une crise économique et sociale, qui devient stratégique et peut-être bientôt militaire. Ils invitent à sortir des débats convenus sur le numérique et proposent de libérer – et non plus libéraliser – entrepreneurs et économies européennes, d’inventer une nouvelle défense, bref, de sortir des mythes du XXe siècle. Le levier est d’ouvrir les frontières et de dynamiser l’éducation. C’est un ouvrage politique, au sens noble du terme.

Thierry Viéville

La robotique : une récidive d’Héphaïstos

Jean-Paul Laumond (janvier 2012)

L’année de ses cinquante ans, la robotique entre au Collège de France : c’est un bel anniversaire !

Extrait de la vidéo de la conférenceCette vidéo présente la leçon inaugurale de Jean-Paul Laumond, titulaire de la chaire « Innovation technologique Liliane Bettencourt » du collège de France pour l’année 2011-12.

Accéder à la leçon inaugurale (disponible en vidéo ou en audio).

Jean-Paul Laumond, directeur de recherche CNRS au LAAS de Toulouse, est une figure bien connue de la robotique. Dans cette leçon d’un peu plus d’une heure, il nous donne un très bel aperçu de ce domaine dans un discours vivant, bien construit et illustré.

À partir d’une définition minimale du robot, « une machine qui bouge et dont les mouvements sont commandés par un ordinateur », il pose la question essentielle de son degré d’autonomie. L’exposé se décompose en trois parties, toutes trois très intéressantes et complémentaires :

  • une introduction générale à la robotique, qui retrace les grandes évolutions du domaine ;
  • la robotique du mouvement, incluant toutes les méthodes permettant à un robot d’enchaîner les mouvements nécessaires pour atteindre un but. Ces travaux de recherche se divisent en deux grandes écoles de pensée. L’approche la plus utilisée est fondée sur des modèles, par contraste avec l’approche comportementale « bio-inspirée » introduite par Rodney Brooks au MIT. Si Jean-Paul Laumond s’inscrit dans la lignée de la première, il plaide pour un dialogue entre les deux écoles ;
  • la robotique humanoïde, en pleine évolution depuis une vingtaine d’années. Il aborde la question de la marche d’une façon originale, partant du constat que « les bipèdes marchent avec la tête et pas avec les pieds », pour conclure sur les interactions entre l’Homme et le robot.

Tout au long de son exposé, il file la métaphore d’Héphaïstos, pour mettre en scène la tension entre le « faire » et le « comprendre », entre l’innovation et la recherche fondamentale, qui se révèle féconde. Il en profite pour égratigner au passage nos peurs (« contrairement à une idée reçue, l’impact de la robotique en matière d’emploi est positif ») et nos fantasmes (« réfléchissons à nos propres transferts : certains d’entre nous ont une étrange affection pour leur voiture, je ne pense pas que cette affection soit réciproque »). Et, prenant exemple sur le professeur Nakamura qui, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, écrivait « De nombreux chercheurs en robotique dont je fais partie ont été stupéfaits par le fait que nous ne disposons d’aucune arme face au problème. Il se peut bien que même la technologie ait démontré là son immaturité », il nous met en garde contre les effets d’annonce. Une grande leçon.

À propos de machines à penser

Lucien Mélèse et René Blanchard (1963)

Voir la vidéo sur le site de l’Ina (25 min 47 s).

Extrait de la vidéo

En 1963, l’informatique faisait du bruit ! Machines à perforer et à lire les cartes, imprimantes, lecteurs de bande magnétique : autant de dispositifs essentiellement mécaniques et… bruyants. Autour de ces machines, gravitent des hommes et des femmes auxquels se sont intéressés les réalisateurs de ce documentaire tourné dans les locaux de la Compagnie des Machines Bull. Ils se penchent sur leurs métiers, désormais disparus, leurs aspirations, leur perception de leur travail au sein de l’entreprise, leurs perspectives tant professionnelles que personnelles.

Il en résulte une enquête qui peut s’appréhender selon au moins deux angles différents : un angle technique, qui fait découvrir une informatique plus proche de la mécanographie que du calcul automatique, et un angle sociologique sur une époque où l’informatique employait beaucoup de femmes… pour des raisons bien discutables.

PhiloWeb 2010

Première conférence internationale consacrée au Web et à la Philosophie, Paris, 16 octobre 2010.

Logo de la conférence PhiloWeb

Le Web tel que nous le connaissons est au croisement de nombreuses disciplines et écoles de pensées. La Philosophie, comme en témoignent les nombreuses références du Web et du Web Sémantique à la sémantique formelle, aux ontologies, à la question de l’identité ou de la signification, ou encore aux noms propres logiques, a joué un rôle majeur dans ces avancées et ce, quand bien même trop peu de philosophes en sont aujourd’hui conscients. L’ambition de cette conférence est de mettre en lumière cette dynamique de manière à favoriser, à l’avenir, les coopérations entre philosophes, informaticiens et ingénieurs. Le but est, en fin de compte, de contribuer à façonner une discipline nouvelle dotée de son propre programme de recherche, de jouer un rôle fondateur pour une authentique Philosophie du Web.

Des vidéos de Bernard Stiegler, discutant du bien-fondé d’une « philosophie du Web », ainsi que d’autres chercheurs, ingénieurs et philosophes, commencent à être publiées sur le site de PhiloWeb 2010. Elles servent d’introduction à l’événement proprement dit, qui réunira des chercheurs en philosophie et en informatique et des ingénieurs. À l’issue de la journée, une exposition d’art sera organisée, pour apporter un autre éclairage sur les thématiques abordées.

Organisé conjointement par l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Inria, PhiloWeb 2010 est un événement gratuit auquel chacun peut librement assister, sans inscription préalable, dans la limite des places disponibles.

L’Internet social (ou Web 2.0) : opportunités, impact et défis

Patrick Valduriez (février 2010)

Le conférencier Patrick Valduriez

Exposé dans le cadre du séminaire interuniversitaire d’Histoire et Philosophie des sciences à l’université Montpellier 2.
Voir la vidéo.

Placer l’utilisateur lui-même au cœur du processus de production d’information, comme auteur et comme évaluateur, en communication directe et instantanée avec les autres utilisateurs, cela change radicalement notre rapport à l’information. C’est ce que nous appelons le Web 2.0. Ses réseaux sociaux permettent la création de communautés professionnelles, ainsi que la production collective de connaissances, mais engendrent aussi des risques de désinformation ou d’atteinte à la vie privée. Un impact potentiel profond sur l’éducation, la culture et la société, que discute Patrick Valduriez, chercheur à Inria Sophia Antipolis – Méditerranée, dans cet exposé de 92 minutes diffusé en vidéo.

L’informatique

Textes et documents pour la classe (1er juin 2010)

couverture

La revue Textes et documents pour la classe (TDC), diffusée essentiellement dans les établissements scolaires, en est presque à son 1000e numéro, mais c’est le premier qu’elle consacre à l’informatique !

Aujourd’hui, alors que l’usage des technologies de l’information se banalise dans notre société et que leurs enjeux politiques, sociaux et culturels font débat, la connaissance des bases scientifiques et techniques de l’informatique reste confidentielle. Comme le souligne Guy Belzane, le rédacteur en chef, dans son éditorial, « il n’y a guère de sens à opposer approches scientifique et sociétale. C’est précisément à tenir ensemble ces deux fils que ce numéro de TDC s’attache et c’est tout le sens du partenariat mené, en cette occasion, avec l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). »

Pari réussi ? Les lecteurs d’Interstices ne seront certes pas surpris par les prises de position affichées en faveur de la reconnaissance de l’informatique comme discipline scientifique et de son enseignement. Ils retrouveront avec plaisir la signature de plusieurs auteurs. Ainsi apprécieront-ils le point de vue de Jean-Paul Delahaye sur les relations entre mathématiques et informatique. Ils découvriront aussi, sous la plume de Ionut Danaila, à travers l’exemple de la modélisation du condensat de Bose-Einstein, comment la physique bénéficie de l’expérimentation numérique.
Sans oublier d’afficher le poster L’informatique de A à Z !

« Le monde est-il numérique ? »

Hors-série de Sciences et Avenir : La magie des nombres (octobre 2009)

couverture

« Le monde est-il numérique ? » La question, posée à deux philosophes des sciences et à deux chercheurs en informatique, fait ressortir des points de vue pour le moins divergents : « Il n’y a pas de nombres dans la nature », « L’ordinateur ne traite que des symboles », « La nature n’est pas prédictible », « Le monde entier est peut-être numérisable ». Les quatre réactions rendent ainsi compte d’interprétations très différentes de l’adéquation, que d’aucuns ont qualifiée de « déraisonnable », des moyens de modélisation qu’apportent les mathématiques, et maintenant l’informatique, à l’analyse, la compréhension et la prédiction des systèmes naturels. Ce débat particulièrement roboratif s’insère dans le dossier sur « La société numérique » du passionnant hors-série que Sciences et Avenir consacre à « La magie des nombres ».

Pourquoi et comment le monde devient numérique

Gérard Berry

couverture

Leçon inaugurale de la Chaire d’Innovation technologique Liliane Bettencourt, au Collège de France le 17 janvier 2008.

Accéder à la vidéo.
Le texte de la leçon inaugurale, édité aux Éditions Fayard, est disponible en librairie.

L’informatique est partout, c’est devenu banal de le dire, mais qu’entend-on vraiment par-là ? Comprend-on bien que le numérique, aujourd’hui, loin de se cantonner aux ordinateurs, est bien plus répandu dans les objets technologiques les plus divers, des téléphones aux avions ? Quelles en sont les implications, les qualités mais aussi les inconvénients, à commencer par les bugs ? Pleinement en accord avec la devise du Collège de France, « enseigner la recherche en train de se faire », Gérard Berry présente une vision de l’informatique au sens large axée sur ses fondements scientifiques.

Jaillissement de l’esprit – Ordinateurs et apprentissage

Seymour Papert (Flammarion 1981, réédition 1999)

couverture

Un rêve : une démarche pédagogique, qui non seulement tolère l’erreur, mais l’utilise pour soutenir l’élève dans la construction de ses connaissances et de ses savoir-faire. Un apprentissage, moins « de » l’informatique que « par » l’informatique, plus précisément par la programmation en langage Logo.

Langage de programmation complet, Logo est de fait plus connu pour son association avec la « tortue », qui dessine à l’écran des figures géométriques en suivant les instructions d’un programme. Un « bug » dans le programme ? Ce n’est pas une erreur à sanctionner, mais une réflexion à mener sur la séquence d’instructions, qui ne produit visiblement pas le résultat attendu : recherche de l’origine du « bug » par l’élève, correction du programme, examen et analyse de la nouvelle figure produite, et ainsi de suite jusqu’à l’obtention du résultat, qui sera jugé correct par l’élève lui-même dans la mesure où la figure obtenue se révèlera conforme à l’objectif qu’il s’était assigné.

Dans son ouvrage, Seymour Papert, chercheur en informatique au MIT, argumente et explique en quoi cette démarche constructiviste pourrait être un remède contre la « phobie des mathématiques » qui prend naissance dans les salles de classe.

Ah oui, j’oubliais : la première édition de cet ouvrage a été publiée en 1980 en anglais sous le titre Mindstorms – Children, computers and powerful ideas, puis publiée en français en 1981. Vous dites ? Nous sommes en 2008 ? Ah ? Désolé, j’étais encore en train de rêver…

François Rechenmann

De la programmation considérée comme un des beaux-arts

Pierre Lévy (La Découverte 1992)

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Ce livre décrit quatre expériences, vécues, de confrontation entre des experts d’une réalité indicible et des informaticiens qui doivent automatiser les tâches de ces experts : aide à la prévision du cours des devises, aide à l’application de lois sur la protection de l’enfance… L’auteur décrit très minutieusement les allers et retours entre les experts des domaines concernés et l’expert « programmeur ». Selon Pierre Lévy, s’échafaude alors une intelligence collective à laquelle les Hommes et la machine prennent part. Ce livre fournit donc des éléments de réflexion intéressants sur l’intelligence des machines. L’auteur discute aussi de la position du « programmeur » ; pour qui travaille-t-il ? Pour les utilisateurs, pour son patron, pour les clients de son patron, pour lui-même ?

Les arbres de connaissances

Michel Authier et Pierre Lévy (La Découverte 1993)

couverture

Ce livre et le projet qu’il décrit sont issus de la « mission Serres » de 1992 sur la fondation d’une Université de France pour l’enseignement à distance. Les auteurs présentent un système concret et une utopie intéressante : que pourraient devenir l’acquisition et la validation des connaissances grâce à l’informatique ? Le grand intérêt de cet ouvrage vient de ce qu’il donne une forme imaginaire et futuriste mais concrète à tout un imaginaire théorique tournant autour des notions d’autonomie, d’auto-organisation, de convivialité, d’identité. Un formalisme en lien avec les philosophies modernes sur ce sujet : les arbres de connaissances sont fondés sur des principes d’auto-organisation, de démocratie et de libre-échange dans le rapport au savoir.
Un livre pour ceux qui veulent entrer au cœur de ce sujet.
Pour en savoir plus sur le contexte du projet.

La grande histoire des codes secrets

Laurent Joffrin (Points 2010)

couverture

Une grande histoire racontée dans un petit livre de dix chapitres, qui introduisent les principales classes de chiffrement d’avant l’ère de l’informatique. Si les textes sont plus historiques que techniques, chaque chapitre se termine sur une énigme proposée au lecteur, et dont la solution, commentée à la fin de l’ouvrage, permet de saisir les principes élémentaires de la cryptanalyse. Les lecteurs d’Interstices apprécieront particulièrement le dernier chapitre relatant la vie et les travaux d’Alan Turing. Ce livre constitue une plaisante et très abordable introduction aux codes secrets. Le lecteur mis en appétit pourra compléter ses connaissances en lisant l’ouvrage de Simon Singh sur le même sujet, présenté ci-dessous.

Histoire des codes secrets ; de l’Égypte des pharaons à l’ordinateur quantique

Simon Singh (Jean-Claude Lattès 1999 et Le Livre de Poche 2001)

couverture

Traduction de : The Code Book.
L’auteur guide son lecteur au travers de l’histoire de la cryptographie. Il en dévoile la complexité croissante sans jamais devenir complexe. Ne se réfugiant pas dans la technologie, il présente le facteur humain, quand la paresse et la routine fragilisent un code secret, ou quand la détermination et l’ingéniosité permettent de le casser.
Un livre très abordable (dans tous les sens du terme) et très complet sur le sujet.

La guerre des codes secrets

David Kahn (InterÉditions 1980)

couverture

Traduction de The Codebreakers (1967), édition en anglais revue en 1996.
Ce livre écrit par un spécialiste de l’histoire de la cryptologie raconte l’histoire de cette « science du secret », d’abord utilisée par les princes, les diplomates et les militaires et qui aujourd’hui concerne tout le monde. Précis, fiable, cet ouvrage passionnant montre que la cryptologie a joué un rôle souvent insoupçonné dans de nombreux événements historiques aussi bien dans le passé proche que lointain.
Facile à lire, ce livre réjouira les experts comme les simples curieux.

Théorie algorithmique des jeux et enchères combinatoires

Claire Mathieu

conférencier

Conférence donnée dans le cadre du Colloquium Jacques Morgenstern à Sophia Antipolis.
Voir la vidéo.

En algorithmique, le souci principal est d’obtenir des solutions efficaces, alors qu’en économie, il s’agit surtout de trouver des solutions compatibles avec les intérêts de chacun. Rapprocher ces deux points de vue est une préoccupation qui a émergé récemment.
Comment inciter les participants à une enchère à révéler la véritable valeur qu’ils accordent à un objet ?
Comment est déterminé le prix des liens commerciaux des moteurs de recherche ?
Dans un système de multicast, comment partager au mieux le coût des liens entre les différents participants ?
À travers quelques exemples présentés de façon très vivante, Claire Mathieu montre comment la convergence de ces deux disciplines aboutit à des résultats théoriques novateurs.

Poulet farci

Rupert Morgan (Éditions 10-18 2002)

couverture

Traduit de l’anglais.
L’histoire se passe dans un pays qui ressemble fort aux États-Unis. Un petit reporter spécialisé dans le bizarre et le scandaleux se voit proposer d’écrire une biographie sur un grand magnat de l’informatique. Au fur et à mesure se développent plusieurs histoires, qui constituent une satire sociale (sont évoqués la révolution informatique, la course au profit au mépris de l’individu, le cynisme des dirigeants, la fatuité des politiques, les soucis quotidiens du « petit peuple »…) : loufoque et délirant. Mais aussi de quoi nourrir notre réflexion sur les enjeux des sciences et technologies de l’information et de la communication pour notre société.

Société de philosophie des sciences

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La Société de philosophie des sciences a tenu son troisième congrès du jeudi 12 au samedi 14 novembre 2009 à Paris, dans les locaux de la Sorbonne.
Cette société savante a pour but de promouvoir la philosophie des sciences, elle est ouverte à toutes les formes de réflexion sur la science et sur la pratique scientifique.

Le thème principal du congrès est « Sciences et décision », l’occasion de réfléchir, lors de conférences plénières et de sessions menées en parallèle, aux questions suivantes :

  • Quels sont les liens entre les sciences et la décision ?
  • Quels choix se présentent aux chercheurs et aux responsables des programmes scientifiques ?
  • Sur quoi leurs décisions se fondent-elles ou devraient-elles se fonder ?
  • Comment prendre de « bonnes » décisions à l’aide de connaissances scientifiques dans des situations d’incertitude ?
  • Quand et selon quelles modalités est-il possible de décider « scientifiquement » ?
  • Que sont les sciences de la décision et sur quoi se fondent-elles ?

Pour en savoir plus sur la SPS et le congrès, voir le site web.

 

 

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