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Saint-Gall lance une offensive IT à l’école

Alors que les autres cantons adoptent des stratégies pour développer les technologies de l’information à des rythmes très disparates, Saint-Gall se dote d’un plan d’action allant du primaire à l’université. Une première pour l’enseignement numérique

Le gouvernement saint-Gallois ne lésine pas sur les superlatifs pour qualifier son nouveau projet d’investissement dans les technologies de l’information (IT) à l’école: «avant-gardiste», «absolument unique», il doit projeter Saint-Gall «au premier plan dans le domaine de l’enseignement numérique». Dimanche, même s’ils ont été peu nombreux à se déplacer aux urnes (30%), les citoyens de ce grand canton de quelque 500 000 habitants à l’est de la Suisse ont dit oui à près de 70% à «l’offensive IT»: un budget de 75 millions qui doit arroser tous les degrés scolaires, du primaire à l’université, et faire basculer l’école dans l’ère numérique. A ce paquet s’ajoutent 15 millions promis par des investisseurs privés, soit une enveloppe de 90 millions au total.

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Un nouveau département à l’université

Ce projet porté par un gouvernement de droite, d’ordinaire plus enclin à l’austérité qu’aux élans dépensiers, n’a suscité aucune résistance, tout au long de son élaboration. Pas une commune saint-galloise n’a voté contre. Déjà au parlement cantonal, le crédit avait été approuvé sans opposition.

«Je ne connais pas de démarche similaire dans un autre canton de Suisse. Et c’est aussi un grand défi: nous devons désormais nous atteler à définir l’école du futur», souligne le conseiller d’Etat responsable de l’Education, l’UDC Stefan Kölliker, sans dissimuler sa fierté. Et pour cause: il est convaincu que Saint-Gall s’est désormais doté des moyens pour jouer le rôle de «pionnier» en matière d’éducation numérique. «Notre objectif est de faire en sorte que les élèves soient prêts aux mutations en cours du monde économique. Et c’est l’éducation qui doit en premier lieu s’adapter à ces changements.»

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De quoi susciter des envieux parmi les autres cantons affairés à leur transition numérique. Les observateurs, dans les milieux de la formation, relèvent l’aspect «massif» et spectaculaire du projet saint-gallois. Du primaire à l’université, en passant par les hautes écoles spécialisées, aucun secteur n’est épargné. Un nouveau département informatique devrait voir le jour à l’Université de Saint-Gall. Les fonds devraient aussi servir à renforcer les liens entre école et milieux économiques, afin de mieux adapter la formation aux compétences recherchées sur le marché du travail. Mais le cœur de cette stratégie de transition numérique consiste à investir dans l’enseignement: une large part de ce budget est destinée à la formation.

Stefan Kölliker pense que c’est aussi pour cette raison que le paquet n’a suscité aucune résistance: «Si vous dites que vous voulez 10 millions pour de nouveaux ordinateurs, cela ne convainc personne. Nous voulons investir dans l’humain plutôt que dans les machines. L’économie manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée dans les technologies de l’information», explique-t-il.

«C’est juste de miser sur la formation des enseignants plutôt que d’investir dans des outils qui risquent de rester dans des cartons tant qu’on ne fait pas évoluer les compétences», estime Ariane Dumont, conseillère pédagogique et professeure d’anglais à la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion (HEIG-VD) d’Yverdon-les-Bains. C’est aussi une question de conviction du corps enseignant, ajoute celle qui préside le Swiss Faculty Development Network, une structure qui rassemble les facultés suisses autour des pratiques de l’enseignement. «Beaucoup d’enseignants sont réfractaires face aux nouvelles technologies, tant qu’ils n’ont pas pu s’approprier ces outils et prendre conscience de leur plus-value dans leur profession.»

Un programme fédéral réclamé

Actuellement, les «stratégies» et «plans d’action» pour l’éducation numérique fleurissent en Suisse. La plupart des grands cantons se montrent volontaristes. Mi-novembre, Genève publiait une feuille de route annonçant sa volonté d’investir davantage dans l’éducation numérique, en particulier dans la formation des enseignants. En mai 2017, le gouvernement fribourgeois acceptait un «concept cantonal» pour l’intégration dans l’école fribourgeoise des «MITIC» (médias, images et technologies de l’information et de la communication). L’été dernier, le Tessin a présenté un paquet à 47 millions. Et, depuis son arrivée à la tête du Département vaudois de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), Cesla Amarelle annonce le renforcement du numérique dans les écoles vaudoises. Mais le canton n’est pas en mesure de chiffrer sa stratégie, à ce stade.

L’école obligatoire relevant de la responsabilité des cantons, les disparités entre les régions sont énormes. «Un grand travail reste à faire aux niveaux de l’école obligatoire, des gymnases et de la formation professionnelle», souligne le groupe PDC dans une motion encore non traitée au Conseil national. Ce texte réclame que la Confédération mette sur pied un «programme d’incitations financières» pour accélérer le processus et «soutenir cantons et communes dans leurs efforts en vue de renforcer les compétences numériques des élèves et des enseignants». Dans sa réponse, le Conseil fédéral estime de son côté qu’une telle aide n’est pas nécessaire, les enjeux de la numérisation étant «amplement discutés à tous les niveaux du système éducatif».