Une histoire des médias, de 1989 à 2014

A l’adresse http://www.broom.org/epic, vous

pourrez trouver une pièce de futurologie

archéologique très intéressante. Ce site donne

accès à une vidéo en flash de huit minutes,

censée provenir d’un « Museum of Media

History » en 2014 et racontant comment le

monde de l’information est devenu ce qu’il est

en 2014 : un monde où la presse classique

n’existe que sous la forme de ruines d’un passé

pas si ancien et où tout le monde participe à la

mise en ligne d’un système d’information planétaire

d’une ampleur quasi illimitée, dénommé EPIC.

 

Cette vidéo étant en anglais, en voici les

grandes lignes :

La vidéo part de la préhistoire : en 1989, un

chercheur du CERN (Conseil européen pour la

recherche nucléaire) pose les bases du World

Wide Web.

En 1994, apparaît Amazon sur un modèle

innovant : Amazon (qui n’est pas seulement une

librairie en ligne…), un magasin qui fait des

suggestions personnalisées automatisées, en s’appuyant

sur un système de recommandations.

En 1998, Google apparaît, sur une idée de base

que cette vidéo présente de manière très

intelligente : le système de Google (« Page-

Rank ») hiérarchise les sites Internet en

considérant les liens qui y renvoient comme des

recommandations.

De 1998 à 2004, d’autres innovations Internet

apparaissent : TiVo, Blogger, Friendster, Google-

News (le service d’information de Google édité

à 100 % par des automates…).

En 2004, la revue Reason envoie à ses abonnés

un numéro personnalisé, avec en couverture une

photo aérienne de leur maison… Google crée

Gmail, avec 1 Go de stockage et Microsoft se

réveille en créant Newsbot, un système de

filtrage personnalisé de l’information.

La guerre entre Google et Microsoft fait rage à

partir de 2005. Cette guerre passe essentiellement

par des acquisitions concurrentes.

En 2006, Google combine tous ses services

(Blogger, Gmail, GoogleNews, Google Desktop

Search…) en un seul, la Google Grid. Cette

plate-forme permet à chaque utilisateur de

stocker ou publier tout ce qu’il veut, sans

contrainte ni d’espace ni de bande passante. Le

système est accessible tout le temps et de

partout.

En 2007, Microsoft répond par MSN Newsbotser,

une plate-forme participative. Ainsi, tout

ce que vos collègues ou amis trouvent intéressant

est mis à votre disposition. Tout peut

être commenté. C’est aussi à cette époque que

du papier électronique mis au point par Sony

devient très peu coûteux.

En 2008, Google et Amazon fusionnent en

« Googlezon », qui permet à la Google Grid de

bénéficier des infrastructures commerciales et

de recommandations automatiques d’Amazon.

Cette alliance permet à Googlezon de distancer

Microsoft dans ces domaines. Ses systèmes sont

capables de personnaliser automatiquement

toutes les informations : un utilisateur, une

histoire, un texte personnalisé.

En 2011, le New York Times attaque Googlezon

sur des questions de propriété intellectuelle, car

ses « robots » partent d’articles de presse pour

engranger l’information. La Cour Suprême

donne raison à Googlezon.

Et le 9 mars 2014, Googlezon lance EPIC :

Evolving Personalized Information Construct,

un système global d’information dans lequel

chaque utilisateur participe, même passivement,

au résultat : l’information est sélectionnée, triée

et délivrée, chaque utilisateur étant rémunéré

par un pourcentage des ressources publicitaires

en fonction de la popularité de ses contributions.

Cela crée une « nouvelle génération de

journalistes free-lance ». Tout le flux d’information

est personnalisé et adapté au réseau

social de l’utilisateur.

Selon la vidéo, pour le meilleur, ce système est

un résumé du monde, pour le pire et pour la

majorité des gens, il se contente d’agréger des

informations triviales et étroites, car il est ce

que chacun en fait.

Ce document se finit sur une information

capitale : en signe de protestation contre cette

évolution, le New York Times se retire du

marché électronique et devient une publication

imprimée réservée à l’élite et aux plus âgés.

Utopie ou dystopie, à vous de voir. Toujours

est-il que ce document représente de manière

assez aisément appropriable un futur possible,

certes faisant peu de cas des éléments de

contexte. Confronté aux stratégies actuelles de

certaines firmes, en particulier de Google, il ne

paraît pas en tout cas incohérent. Reste aussi à

savoir si Microsoft et son trésor de guerre de 64

milliards de dollars US (au 30 septembre 2004 ;

selon certains analystes, ce montant augmente

d’environ un milliard par mois…) peuvent être

ainsi distancés…

Geoffrey Delcroix

(source : Futuribles Vigieinfo N° 10 janvier 2005)