Suite une si discrète enquête sur la numérisation



Le 23 sept. 2021 à 21:13, Raymond Morel <raymond.morel@gmail.com> a écrit :

Pourquoi le retard numérique de la Suisse est dramatique
https://www.letemps.ch/node/1253972



rattrapés.
A ce propos: La Suisse, véritable cancre numérique:
sept exemples marquants

9juin21-LT-Les lacunes
numériques de notre
administration
OPINION ABONNÉ
OPINION. Notre administration publique, dans
son état actuel, n’est pas faite pour opérer
dans un environnement complexe, écrit Alenka
Bonnard, codirectrice et cofondatrice du
Staatslabor
Application mobile pour le traçage SwissCovid. Lugano, 2020. — © keystonesda.
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Alenka Bonnard, codirectrice et cofondatrice du staatslabor
Publié mercredi 9 juin 2021 à 07:22








Fin mars, Le Temps publiait une enquête faisant état
du retard colossal de la Suisse en matière de
numérisation. Si le sujet fait l’objet de deux bonnes
pages, c’est que les habitantes et habitants de notre
pays ont découvert, à chacune des étapes de la crise
sanitaire, une Suisse comme prise au dépourvu:
communication confuse et parfois d’un autre âge,
contact tracing insuffisant et défaillant, campagne de
vaccination qui démarre au ralenti. Le gouvernement
qui bénéficie de la plus haute confiance de sa
population parmi tous les pays de l’OCDE et dont on
pourrait légitimement attendre qu’il protège cette
dernière efficacement lui a, à divers égards, fait
défaut. Un secteur public qui n’est plus en phase avec
les possibilités et les besoins de notre temps n’est pas
le seul responsable de ces multiples défaillances.
Mais une fois la population vaccinée et les
commentaires haineux sur le compte Twitter de
l’OFSP dissipés, il est fort probable que notre
administration, avec ses importantes lacunes en
matière de numérisation, redevienne cette entité
abstraite et discrète d’avant-pandémie, dans laquelle
on rechigne à investir et qu’on refuse de renouveler
réellement. Cela serait une grave erreur.
L’angoisse de l’erreur et du faux pas
Notre administration publique, dans son état actuel,
n’est pas faite pour opérer dans un environnement
complexe – et le monde dans lequel nous vivons
aujourd’hui l’est résolument. L’information, parfois
inutilement réservée à une partie de la hiérarchie, y
circule souvent mal, et ce, particulièrement entre les
silos des différents départements. Il y règne une
angoisse de l’erreur et du faux pas qui maintient
même les cadres supérieurs dans une stupéfiante
logique de «business as usual», et ce, au milieu de la
pire crise qu’ait connue le pays depuis des décennies.
Le personnel administratif – épuisé et constamment
sous pression – n’a vu ses rangs renforcés que de
manière symbolique au vu de la tâche demandée. Les
collaborations avec le secteur privé et la société civile
restent lentes, empêtrées dans le formalisme et
frustrantes.
Une stratégie numérique et trois rapports
d’activité plus tard, on constate que les progrès
effectués sont anecdotiques

Si ces éléments ne sont pas foncièrement nouveaux
(bon nombre d’employées de la fonction publique
vous le diront volontiers elles-mêmes), les dégâts
qu’ils causent sont souvent moins immédiatement
visibles qu’en cette période de crise. Cela ne signifie
cependant pas qu’ils sont anecdotiques, les
administrés faisant finalement toujours les frais d’une
administration n’ayant pas les ressources nécessaires
pour se réinventer.
Manque de confiance dans notre secteur public
Mais pourquoi en sommes-nous là – alors que nous
ne manquons ni de moyens financiers ni surtout de
personnalités talentueuses et engagées dans nos
administrations? C’est que l’investissement dans le
numérique relève surtout du simulacre. Mauro Poggia,
dans l’article mentionné plus haut, note qu'«il n’y a
pas de volonté politique de donner les moyens à
l’OFSP de faire son travail correctement». Cela est
aujourd’hui particulièrement visible dans le cas de cet
office, le phénomène est là depuis des années dans
l’ensemble de nos administrations, aux trois niveaux
de notre système fédéral. On appointe souvent une
personne avec un titre du type «Chargée au
numérique» ou «Responsable de l’innovation et de la
gestion de l’information» avec l’impossible tâche de
numériser un office dans son ensemble, souvent sans
équipe, budget ou compétences décisionnelles
substantielles. Une stratégie numérique et trois
rapports d’activité plus tard, on constate que les
progrès effectués sont anecdotiques. Il n’y a pas
vraiment de quoi être surpris.
Ces réformes palliatives sont symptomatiques d’un
manque de confiance dans notre secteur public
comme force motrice pour notre société. A la
confiance se substitue une surveillance accrue de la
part du politique, assortie d’argent de poche avec
lequel il faudrait mener à bien les changements
indispensables au fonctionnement de notre Etat. La
bonne nouvelle est peut-être la suivante: nos
administrations regorgent des personnes les mieux
formées de notre pays – et si la crise a montré les
failles d’un système, elle a aussi mis en avant
l’engagement colossal de celles-ci, à tous les niveaux.
La population leur fait à juste titre confiance, le
politique doit leur donner les moyens d’oeuvrer et de
construire pour ce futur qui nous a déjà rattrapés.
A ce propos: La Suisse, véritable cancre numérique:
sept exemples marquants

La Suisse, véritable cancre numérique: sept exemples marquants

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Technologie

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De la protection des données à la dépendance des technologies étrangères, la Suisse affiche des lacunes béantes, en plus de celles qui sont apparues dans le domaine de la santé. Le mal est profond, comme le montrent ces exemples


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Dessin original, Anne-Gaëlle Amiot pour Le Temps  — © Anne-Gaëlle Amiot pour Le Temps

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière les lacunes et le retard de la Suisse en termes de mutation numérique. 

Retrouvez nos principaux articles à ce sujet.

La Suisse est nulle en numérique, écrivions-nous le 24 janvier. Le temps d’une petite chronique, Le Temps avait dressé un portrait peu flatteur d’un pays ayant l’illusion d’être à la pointe du progrès. Les exemples cités avaient alors tous un lien avec la pandémie, laquelle a révélé les lacunes impressionnantes de la Suisse dans le secteur de la santé. Et si le mal était plus profond? Et si l’ensemble du pays, de l’administration aux entreprises, était terriblement médiocre en numérique? Pour tester cette hypothèse, nous avons voulu dresser un tableau général de la situation en Suisse. Nous avons choisi de mettre en lumière sept grosses lacunes. Non pas pour appeler à une numérisation forcenée de la société. Mais plutôt pour montrer les secteurs où une numérisation plus rapide pourrait bénéficier à tous, citoyens et consommateurs.

Lire aussi notre éditorial: Pourquoi le retard numérique de la Suisse est dramatique

1. L’ÉCHEC DES IDENTITÉS NUMÉRIQUES

Il y a eu bien sûr le non au projet d’e-ID le 7 mars dernier. Mais ce n’est que le révélateur d’un mal bien plus profond: la Suisse a les pires difficultés à faire aboutir des projets, même partant d’une bonne intention, quand ils sont menés par des consortiums. En matière de paiement, il a fallu des années à Twint pour atteindre un niveau tout juste passable. Et pour l’identité électronique, c’est pire encore. Prenons la coentreprise SwissSign, créée en 2017. Soutenue par La Poste, les CFF, des assureurs et des banques, elle devait être le socle de l’e-ID, en affirmant fièrement compter 1,75 million d’inscrits à sa SwissID. Mais qui, réellement, utilise cet embryon d’identité électronique? Très peu de monde, en réalité. Créer un compte ne prend, expérience faite, que 12 secondes. Mais les incitatifs pour l’utiliser sont quasi nuls.

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Au lancement de SwissID en 2017, SwissSign voulait atteindre 100 partenaires en 2019, 400 en 2020 et plus de 1000 en 2021. Aujourd’hui, elle en compte… 35, dont évidemment ses promoteurs, plus Amag Leasing ou encore le festival du Film de Zurich. Il y a certes des cantons, comme celui du Valais. Mais cette idée intéressante d’identité transversale ne convainc pas: les prestataires ne voient pas l’intérêt de la proposer, les utilisateurs n’en comprennent pas la valeur ajoutée, sans parler, évidemment, de la confusion avec des solutions parallèles de type SwissPass (qui pour le coup marchent bien mieux).

Et maintenant, que faire? Avançant trop lentement, SwissID risque de se faire dépasser par des solutions globales standards que pourraient lancer les géants américains de la tech. Une nouvelle e-ID, avec une implication forte et claire de l’Etat, pourquoi pas avec un partenariat transparent avec un acteur privé et utilisant des technologies décentralisées pourrait être la solution. Mais il en faut une, c’est certain. Et l’Estonie a montré que c’est possible. Depuis 2007.

Lire également: La Suisse est au Moyen Age de la numérisation de son système de santé

2. LA DÉPENDANCE AUX SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

C’est un terrible paradoxe. La Suisse compte deux écoles polytechniques de classe mondiale, elle a attiré à Zurich le plus grand centre de recherche de Google hors des Etats-Unis, mais elle est incapable de développer des services pour réduire sa dépendance aux solutions des géants étrangers de la tech. Inquiétant: même le secteur public se révèle accro aux services issus de la Silicon Valley: le Conseil fédéral dépend de YouTube pour ses conférences de presse, sans compter la ville de Lausanne qui présente le 16 décembre dernier les lauréats du budget participatif 2020 sur… Facebook.

L’Etat ne peut et ne doit pas forcément créer ses propres logiciels. Mais pourquoi ne pas favoriser l’utilisation de systèmes open source, comme le promeut depuis des années le canton de Vaud? Ces solutions peuvent facilement être converties en des services fiables, la société genevoise Infomaniak l’a montré avec sa nouvelle offre de vidéoconférence.

On aurait aussi pu espérer qu’un Swisscom, si puissant en Suisse, apporte son aide. Mais non. En retard permanent face aux géants de la tech, il a dû débrancher son service iO (concurrent de WhatsApp) puis DocSafe, sa solution de stockage en ligne.

3. UNE LOI SUR LES DONNÉES SI FAIBLE

C’est peut-être un symbole, mais il est caractéristique du peu de cas que les autorités font de nos données. Ce n’est pas avant 2023 qu’entrera en vigueur la nouvelle loi sur la protection des données. L’actuelle, qui date de… 1992, avait déjà été ringardisée, par l’arrivée, il y a cinq ans, du Règlement général sur la protection des données (RGPD) européen. Non seulement la Suisse est lente, mais en plus elle fait moins bien.

D’abord, dans le domaine des sanctions: une amende maximale de 50 000 francs est autrement moins dissuasive que les 20 millions d’euros maximums prévus par le RGPD. En Suisse, l’amende visera en premier lieu un individu au sein d’une société. S’il ne peut pas être identifié, alors l’entreprise pourra être sanctionnée. De plus, la loi suisse ne permettra de poursuivre pénalement que celui qui a intentionnellement violé la loi.

«Le préposé ne pourra pas fixer d’amende administrative comme le font les autorités européennes, relève Sylvain Métille, avocat et professeur en protection des données et droit pénal informatique à l’Université de Lausanne. La procédure pénale dirigée contre un individu au sein de l’entreprise n’a guère de sens et surtout ne sera pas dissuasive. La crainte d’une amende faible ne dissuadera pas les entreprises malhonnêtes, et le cadre légal suisse généreux pourrait même les attirer.»

Enfin, si le préposé fédéral à la protection des données se voit attribuer davantage de compétences, il n’aura aucun moyen supplémentaire. Déjà débordé et déplorant un sous-effectif, il risque de n’être qu’un tigre de papier. Et tant pis pour les consommateurs suisses qu’il doit protéger.

4. L’OPACITÉ DE BERNE

Numériser les administrations fédérales et cantonales est un travail colossal, d’accord. En particulier, parce que très peu a été fait ces quinze dernières années, mais aussi parce que les rapports se multiplient et que la peur de se lancer paralyse tout. «La notion d’amélioration continue, en partant de solutions innovantes même si incomplètes, correspond peu au modèle suisse», déplorait récemment un responsable de l’EPFL. Alors, on prend son temps. Un exemple? Le 10 mars, la Confédération annonçait une nouvelle organisation baptisée «Administration numérique suisse» qui devrait être opérationnelle… «à partir du mois de janvier 2022». En fonction depuis janvier, Daniel Markwalder, qui occupe le poste de «délégué du Conseil fédéral à la transformation numérique et à la gouvernance de l’informatique», subit une pression immense.

D’autant que la Confédération a multiplié les échecs numériques ces dernières années pour ses propres services: il y a eu le fiasco du projet Soprano, qui devait aider les parlementaires, le scandale Insieme lié au remplacement de matériel informatique ou encore les incompétences liées au projet SIAC de l’Office fédéral des routes.

Ajoutons-y l’opacité incompréhensible de Berne sur certains projets majeurs: la Confédération est accusée de favoriser Microsoft pour son appel d’offres à 110 millions de francs pour son «Swiss cloud», mais son objectif n’a jamais été expliqué. La stratégie d’utilisation du cloud public est peu claire et il n’y a aucune mention du secret de fonction.

«Souvent, quand il y a numérisation dans l’administration, c’est le fait d’un ou d’une responsable qui s’y intéresse. Tout dépend donc de la culture d’entreprise des offices fédéraux qui peuvent être plus ou moins réactifs, tout comme les cantons ou les communes», explique Alenka Bonnard, cofondatrice et directrice du think tank staatslabor. «Ce morcellement a longtemps été vu comme positif, maintenant on voit les problèmes que cela pose, notamment avec la vaccination.»

5. OÙ SONT LES GUICHETS NUMÉRIQUES?

Fédéralisme oblige, les Suisses ne sont pas égaux face aux guichets numériques. Si certaines communes ou cantons proposent toujours davantage de services en ligne, d’autres sont à la traîne. Pourquoi n’est-il pas possible de prendre rendez-vous en ligne pour faire une carte d’identité à Genève et, ainsi, éviter les foules en particulier en période de covid?

Mais il y a pire, déplorent beaucoup de spécialistes: pourquoi ne peut-on pas créer une entreprise en ligne, comme c’est le cas dans beaucoup de pays? «En Suisse, la fondation d’une société prend au moins quatre à huit semaines, nécessite beaucoup de paperasse traditionnelle, oblige à recourir à des avocats et des notaires, tout cela coûtant au moins 1000 francs», déplore Christina Kehl, directrice de l’association des start-up financières suisses.

Avenir Suisse pointe également cette déficience dans un rapport: «Une numérisation des processus officiels pourrait contribuer de manière significative à réduire la charge administrative des entreprises. Notre analyse estime que le potentiel d’économies pourrait atteindre en Suisse entre 52 et 113 millions de francs par an rien que dans le domaine de la création et de la fermeture d’entreprises», d’après le think tank. Une motion vient néanmoins d’être déposée pour permettre la naissance d’une entreprise uniquement via des canaux numériques.

6. L’ÉCOLE RESTÉE AU 20E SIÈCLE

La pandémie a bien sûr révélé à quel point l’école n’était, en général, pas ou peu prête à se dématérialiser. Mais le problème est moins dans la façon dont les cours sont donnés que dans leur contenu lié au numérique. Dans ce domaine, les cours s’arrêtent encore trop souvent à la prévention des risques sur internet (certes importante), mais occultent bien d’autres aspects. «On a des cours de chimie, non pas parce qu’on veut devenir chimiste, mais pour comprendre le monde qui nous entoure, alors pourquoi pas se pencher davantage sur le numérique? défend Géraldine Zahnd Henchoz, qui, de retour de la Silicon Valley il y a peu, a fondé Digital Kidz Suisse. Cette plateforme d’information sur le numérique est destinée aux parents qui veulent initier leurs enfants. Celle qui plaide pour des cours de programmation ou d’initiation à l’intelligence artificielle, poursuit: Est-ce qu’on ne le fait pas par peur des nouvelles technologies ou d’exposition prolongée à des écrans?» La réalité est qu’une minorité d’écoles proposent par exemple des cours de code, alors que la pratique s’étend largement chez nos voisins. Dans ce domaine, l’école met ainsi sur le marché du travail, où les compétences numériques sont essentielles, des jeunes insuffisamment formés.

Le problème ne s’arrête pas à ce «système scolaire vieillot qui n’a pas intégré l’éducation numérique de base (digital literacy) dans ses cursus de manière transversale», ajoute Magaly Mathys, cofondatrice du projet Resilience et de Powerhouse Lausanne, un espace de coworking solidaire. On manque de culture numérique de façon générale. Elle estime que la votation sur l’e-ID a montré de façon flagrante à quel point les gens manquaient de connaissances à ce sujet. «Pour les plus de 40 ans, il n’existe que trop peu d’initiatives abordables qui permettent d’apprendre sur des notions que tout le monde devrait comprendre et la maîtrise de notre vie et des outils numériques.» Cela s’applique aussi aux décideurs politiques et économiques, qui trop souvent ne comprennent pas les enjeux de la numérisation mais ont trop peur de le dire.

7. LE FIASCO DU VOTE ÉLECTRONIQUE

La Suisse a fait plus de 300 essais de votes en ligne, dont certains datent déjà de plus de quinze ans. Ils se sont concentrés autour de deux systèmes, celui développé à Genève et celui mis en place par La Poste. «Le Conseil fédéral avait toutes les cartes en main. Genève, qui pour une fois faisait figure de pionnier, avait développé un projet ouvert, qui aurait permis à chaque canton d’adopter le vote électronique, en favorisant en plus la décentralisation. Le Conseil fédéral a privilégié pour d’obscures raisons le partenariat de La Poste avec l’entreprise espagnole Scytl, avec le résultat qu’on connaît: un échec inévitable», déplore Alexis Roussel, coauteur de plusieurs ouvrages sur le droit à l’intégrité numérique. Le système de La Poste a été abandonné après que des failles de sécurité importantes ont été découvertes. Le projet genevois avait lui été mis sur la touche pour des raisons financières, la mise en conformité de la sécurité de l’outil se révélant trop chère. Depuis 2019, il n’y a donc plus de possibilité de voter en ligne.

 

Suite une si discrète enquête sur la numérisation


Le 23 sept. 2021 à 21:13, Raymond Morel <raymond.morel@gmail.com> a écrit :

Pourquoi le retard numérique de la Suisse est dramatique
https://www.letemps.ch/node/1253972



Pourquoi le retard numérique de la Suisse est dramatique

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Technologie

ÉDITORIAL. La pandémie a mis en lumière l’incroyable médiocrité de la Suisse dans la numérisation. Ce retard a des conséquences concrètes sur nos vies


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Il ne s’agit pas ici de donner des leçons, ni de pousser pour une numérisation à marche forcée, mais de tirer la sonnette d’alarme. On a vu à quel point la technologie est cruciale dans la gestion de la pandémie. — © 123rf

Des fax pour communiquer les chiffres des nouvelles infections et des piles de papier pesées pour estimer le nombre de cas? Il y a un an, les révélations sur les méthodes archaïques au sein de l’administration fédérale, alors que la Suisse tentait de faire face à sa première vague de Covid-19, avaient provoqué la consternation.

Lire aussi: La Suisse est au Moyen Age de la numérisation de son système de santé

Or ce n’était ni une mauvaise blague ni une exception: quels que soient les domaines, la Suisse accuse un incroyable retard dans sa numérisation. La situation est très inquiétante, voire dramatique.

Lire également: La Suisse, véritable cancre numérique: sept exemples marquants

La semaine passée, on apprenait ainsi que la plateforme Mesvaccins.ch, censée être la clé de voûte du carnet numérique de vaccination, souffrait de lacunes béantes de sécurité. Le mal est donc profond et notre enquête démontre l’étendue du problème. Dans le domaine sanitaire, évidemment, mais pas seulement: loi sur les données, dépendance aux solutions étrangères, quasi-absence du numérique à l’école… La liste est interminable et les problèmes que nous pointons ne sont sans doute que les premiers.

Lire encore: Le site Mesvaccins.ch déconnecté pour violation de la protection des données

Cette Suisse qui s’enorgueillit d’être championne du monde de l’innovation est en réalité timorée face à la numérisation, quand elle n’y est pas réfractaire. La faute à des politiciens qui s’en désintéressent et à une administration sans doute peu enthousiaste à l’idée de modifier ses pratiques. Et c’est nous tous qui en pâtissons.

Il ne s’agit pas ici de donner des leçons, ni de pousser pour une numérisation à marche forcée, mais de tirer la sonnette d’alarme. On a vu à quel point la technologie est cruciale dans la gestion de la pandémie. Et au-delà de cette situation de crise, disposer d’un système de santé plus efficace et plus réactif, améliorer notre interaction avec l’Etat, voter plus facilement ou protéger nos données sont autant d’exemples où la numérisation va améliorer notre quotidien, voire relever de la sécurité nationale. Car les faiblesses numériques sont désormais des faiblesses tout court. Il s’agit aussi d’assurer notre prospérité: la place économique suisse, pour être concurrentielle, doit revenir à la pointe de l’innovation, tout comme les travailleurs doivent pouvoir améliorer leurs compétences numériques dans un monde où elles deviennent capitales.

Le tableau dressé, que faire? La tentation de noyer le poisson en nommant une Madame ou un Monsieur Numérique au sein de la Confédération est grande. Avec le risque de créer des postes alibis et de ne rien résoudre du problème. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une prise de conscience – c’est le but de notre enquête – et de changements fondamentaux, émanant de tous.

Les Opinions publiées par Le Temps sont issues de personnalités qui s’expriment en leur nom propre. Elles ne représentent nullement la position du Temps.



9juin21-LT-Les lacunes numériques de notre administrationOPINION ABONNÉ OPINION. Notre administration publique, dans son état actuel, n’est pas faite pour opérer dans un environnement complexe, écrit Alenka Bonnard, codirectrice et cofondatrice du StaatslaborApplication mobile pour le traçage SwissCovid. Lugano, 2020. — © keystone-sda. ch Alenka Bonnard, codirectrice et cofondatrice du staatslaborPublié mercredi 9 juin 2021 à 07:22• • • • • • • • Fin mars, Le Temps publiait une enquête faisant état du retard colossal de la Suisse en matière de numérisation. Si le sujet fait l’objet de deux bonnes pages, c’est que les habitantes et habitants de notre pays ont découvert, à chacune des étapes de la crise sanitaire, une Suisse comme prise au dépourvu: communication confuse et parfois d’un autre âge, contact tracing insuffisant et défaillant, campagne de vaccination qui démarre au ralenti. Le gouvernement qui bénéficie de la plus haute confiance de sa population parmi tous les pays de l’OCDE et dont on pourrait légitimement attendre qu’il protège cette dernière efficacement lui a, à divers égards, fait défaut. Un secteur public qui n’est plus en phase avec les possibilités et les besoins de notre temps n’est pas le seul responsable de ces multiples défaillances. Mais une fois la population vaccinée et les commentaires haineux sur le compte Twitter de l’OFSP dissipés, il est fort probable que notre administration, avec ses importantes lacunes en matière de numérisation, redevienne cette entité abstraite et discrète d’avant-pandémie, dans laquelle on rechigne à investir et qu’on refuse de renouveler réellement. Cela serait une grave erreur.L’angoisse de l’erreur et du faux pasNotre administration publique, dans son état actuel, n’est pas faite pour opérer dans un environnement complexe – et le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui l’est résolument. L’information, parfois inutilement réservée à une partie de la hiérarchie, y circule souvent mal, et ce, particulièrement entre les silos des différents départements. Il y règne une angoisse de l’erreur et du faux pas qui maintient même les cadres supérieurs dans une stupéfiante logique de «business as usual», et ce, au milieu de la pire crise qu’ait connue le pays depuis des décennies. Le personnel administratif – épuisé et constamment sous pression – n’a vu ses rangs renforcés que de manière symbolique au vu de la tâche demandée. Les collaborations avec le secteur privé et la société civile restent lentes, empêtrées dans le formalisme et frustrantes.Une stratégie numérique et trois rapports d’activité plus tard, on constate que les progrès effectués sont anecdotiques Si ces éléments ne sont pas foncièrement nouveaux (bon nombre d’employées de la fonction publique vous le diront volontiers elles-mêmes), les dégâts qu’ils causent sont souvent moins immédiatement visibles qu’en cette période de crise. Cela ne signifie cependant pas qu’ils sont anecdotiques, les administrés faisant finalement toujours les frais d’une administration n’ayant pas les ressources nécessaires pour se réinventer.Manque de confiance dans notre secteur publicMais pourquoi en sommes-nous là – alors que nous ne manquons ni de moyens financiers ni surtout de personnalités talentueuses et engagées dans nos administrations? C’est que l’investissement dans le numérique relève surtout du simulacre. Mauro Poggia, dans l’article mentionné plus haut, note qu'«il n’y a pas de volonté politique de donner les moyens à l’OFSP de faire son travail correctement». Cela est aujourd’hui particulièrement visible dans le cas de cet office, le phénomène est là depuis des années dans l’ensemble de nos administrations, aux trois niveaux de notre système fédéral. On appointe souvent une personne avec un titre du type «Chargée au numérique» ou «Responsable de l’innovation et de la gestion de l’information» avec l’impossible tâche de numériser un office dans son ensemble, souvent sans équipe, budget ou compétences décisionnelles substantielles. Une stratégie numérique et trois rapports d’activité plus tard, on constate que les progrès effectués sont anecdotiques. Il n’y a pas vraiment de quoi être surpris.Ces réformes palliatives sont symptomatiques d’un manque de confiance dans notre secteur public comme force motrice pour notre société. A la confiance se substitue une surveillance accrue de la part du politique, assortie d’argent de poche avec lequel il faudrait mener à bien les changements indispensables au fonctionnement de notre Etat. La bonne nouvelle est peut-être la suivante: nos administrations regorgent des personnes les mieux formées de notre pays – et si la crise a montré les failles d’un système, elle a aussi mis en avant l’engagement colossal de celles-ci, à tous les niveaux. La population leur fait à juste titre confiance, le politique doit leur donner les moyens d’oeuvrer et de construire pour ce futur qui nous a déjà rattrapés.A ce propos: La Suisse, véritable cancre numérique: sept exemples marquants